11 - Avril 98: Entre mondanité et sacralité

Conférence de Jacques-Edouard Berger, novembre 1992

Sainte Marguerite d'Antioche
Londres, National Gallery
Sainte Elisabeth du Portugal
Madrid, musée du Prado

En 1988, avec Jacques-Edouard, nous avons passé un week-end, en tête à tête, à Paris, pour découvrir la rétrospective Zurbaran au Grand Palais.
En évoquant ce souvenir, ces deux oeuvres me sont revenues en mémoire. Les deux saintes m'ont extrêmement touché. Je laisserai à Jacques-Edouard le soin de l'exprimer en citant le texte d'une conférence qu'il donna au Palais de Rumine, à Lausanne.

"(...) Ayant restreint les scènes d'innombrables personnages, à deux personnages, Zurbaran arrivera à ne plus peindre que des scènes à un personnage, ce qui donnera la formidable série des saintes tellement énigmatiques, pas les petites saintes de province, les grandes saintes bien connues mais traitées avec une mondanité extraordinaire par leur vêture, leurs couleurs, leurs étoffes hallucinantes. Et pourtant, l'impavidité monolithique des modèles, ces regards dardés sur nous, font qu'elles ne sont jamais des figures mondaines mais véritablement comme des icônes d'un christianisme un peu plus barbare que l'on avait coutume jusqu'alors de l'admettre.

(...) Sainte Elisabeth est encore plus remarquable, avec une vêture encore plus impressionnante qui n'est pas simplement celle des dames de qualité du XVIIème. Zurbaran a inventé une mode à la fois très profane et très icônique pour mettre en valeur la sacralité de ses personnages. Avec des audaces de couleurs, un premier rouge, un second, un troisième rouge de moire et de rose dans l'immense mantelet qui est derrière elle, il recrée une symphonie à la fois stridente et somptueuse qui donne à l'oeuvre une forme de respiration épique étourdissante."

Verena Müller