Bès (et Bèset, son pendant féminin) appartient au cercle des divinités mineures et populaires. Génie familier, difforme, on le reconnaît à ses attributs
léonins, crinière et peau, à sa couronne de plumes.
Il a une fonction de protection contre les influences malignes, particulièrement pour les femmes en couches et les petits enfants. « Celui qui paralyse le
mauvais oeil » (pour les magiciens grecs) et fait naître la bonne humeur, est aussi le dieu des fêtes dissolues, de la musique et de la danse...
Sa popularité croissante et le culte solennel du dieu à la Basse Epoque, transféreront sur lui les qualités des grands dieux pour accroître sa puissance et son
influence.
(Source principale: Madeleine PAGE-GASSER et André B. WIESE, Egypte, moments d'éternité. Art égyptien dans les collections privées,
Suisse, Verlag
Philipp von Zabern, Mainz, 1997)
*********
L'humour, dont Jacques-Edouard Berger émaillait ses conférences, donnait à l'érudition un scintillement vivant qui l'empêchait de se figer loin de la vie. Je ne peux seulement qu'imaginer une des raisons de la présence dans sa collection de plus d'une douzaine de représentations du dieu: Jacques-Edouard voyait-il dans l'humour, comme dans la joie et les grimaces de Bès, une protection? Une mise en garde à nous destinée?
Pourquoi l'humour, les grimaces nous protégeraient-ils?
Bès doit faire peur - comme nos gargouilles - aux présences invisibles mal intentionnées. Il y a aussi ce que nous dit Bergson: « On pourrait dire que le
remède spécifique de la vanité est le rire, et que le défaut essentiellement risible est la vanité. »
(Le Rire)
Mais il y a peut-être une protection plus importante, plus nécessaire encore: Bès, rire et grimaces, peut réduire la distance entre notre « être observant »,
qui se croit à tort extrait du monde, et notre « être participant » qui balbutie encore sa dimension cosmique.
« Comment dire et vivre? Toujours cet écart qui me fait
dire à défaut de vivre. » René Berger, dans Feuillets retranchés.
Alain Burki
Lausanne, 27 septembre 1998