Le Prisonnier

Job et sa femme

145 x 97 cm.

Epinal, Musée départemental des Vosges.


Cette nouvelle oeuvre propose une action plus sobre que les précédentes scènes de genre. Cette sobriété ne la rend cependant pas plus lisible. Les historiens l'ont cataloguée sous le titre "La visite au prisonnier". Sous cette étiquette, elle apporterait une conclusion morale opportune à la série de tricheurs en tous genres que nous venons de visiter. Les spécialistes pourtant sont maintenant presque unanimes à reconnaître Job raillé par sa femme dans ce duo en clair-obscur.

Nous l'avons évoqué plus haut, avec la femme à la puce, vous l'avez sans doute perçu en cours de visite, la lumière est un acteur important dans la peinture de Georges de La Tour. Comme chez Caravage, tout est nuit et lumière, tout est nuit et soleil, tout est nuit et bougie. Mais chez Caravage, la source de lumière n'est jamais montrée. Elle vient de l'extérieur, de plus haut, c'est une réalité transcendée que Caravage peint. Alors que chez Georges de La Tour, la source de lumière est toujours dans le tableau, c'est une lumière désignée. Ici, tout le halo de lumière qui forme le centre de la composition vient de cette bougie, et tout s'articule, tourne autour de ce centre de gravité. Un interminable palabre circule d' un visage à l'autre, des visages à la bougie, des mains aux visages, de la misère au confort, du bien-être à la déchéance, comme un questionnement éternel. La dualité clair-obscur est une notion d'historien. L'autre dualité philosophique et métaphysique mise en lumière ici par l'artiste se définit dans la composition, dans la mise en espace des personnages. La femme, immensément grande, immensément haute, avec cette ceinture très relevée et cette petite tête, déformée comme dans une anamorphose, s'affirme dans une présence très solide et stable, menaçante presque, au dessus de la situation précaire, fragile et dérisoire de Job. Le propos de l'artiste s'est donc simplifié, épuré : deux personnages seulement, en situation dans la lumière d'une flamme. Mais le propos a inversement gagné en puissance, en force d'expression.

 

Cette intensité va se retouver dans la deuxième partie de notre visite :

les oeuvres sacrées.

 




Avant de poursuivre dans la deuxième partie,
vous pouvez faire un bref retour
sur ce chapitre des oeuvres profanes.



Vous pouvez aussi
faire un retour plus haut
tout au début cette première partie.