Mon cher Jacques-Edouard,

Nous voici ensemble à Assise. Quand ? Je l'ignore, ou plutôt m'en détourne. Tu es à mes côtés pendant que j'observe une à une les fresques de Giotto. Un carnet sur les genoux, je prends des notes pour le livre que je prépare. Et auquel tu collabores, mais oui, même si tu n'as guère que six ou sept ans ! En ne me quittant pas un instant, en suivant mon exploration, en me faisant remarquer, je m'en souviens, le moine qui dort quand ses compagnons se réveillent stupéfaits de voir saint François traversant la maison sur un char de feu tiré par deux chevaux... L'oeuvre, et plus précisément l'oeuvre d'art, n'est-elle pas le révélateur le plus complexe et le plus fidèle de nos mutations ?", écrivais-tu beaucoup plus tard. C'est la foi que nous avons partagée de longues années durant. Aussi n'est-il est pas étonnant que, reprenant la plume, aujourd'hui l'ordinateur, nous continuions, par-delà ton départ, de collaborer.

Cette nouvelle série, qu'inaugure la "Vénus et la musique de Titien" en est le témoignage: d'autres programmes suivront sous le titre qui nous a servi d'emblème fraternel : DÉCOUVRIR. Et dont nous savons qu'à travers l'art il signifie " mieux aimer" . Car le monde de la lumière, c'est aussi ce que nous avons appris, comporte une part d'ombre, translucide ou opaque, qui jamais ne disparaît tout à fait. C'est pourquoi nulle explication n'en viendra jamais à bout . Son unité multiple rayonne au coeur de son mystère irréductible.

RB, juillet 1997